Après dix-neuf participations d’affilée, Alexis Loison a décroché cette année la victoire sur La Solitaire du Figaro Paprec, une récompense méritée pour l’un des marins les plus constants et attachants du circuit. Entre lucidité, patience et passion intacte, le skipper de Groupe Réel revient sur ce succès, son parcours et son plaisir toujours aussi vif de naviguer au plus haut niveau.

Dans quel état d’esprit es-tu lorsque tu abordes cette Solitaire ?
« J’étais assez détendu lorsque je suis arrivé sur cette Solitaire. J’avais eu un bon déclic à l’occasion du Tour de Bretagne : je n’avais plus de problème de vitesse. Je n’ai pas changé grand-chose dans ma préparation, si ce n’est que j’ai un peu plus anticipé que d’habitude. J’ai travaillé comme je l’entendais. »
Tu remportes la Rolex Fastnet Race quelques mois avant. Est-ce que cela te met en confiance ?
« La victoire sur la Rolex Fastnet Race ne m’a pas donné une confiance plus grande. J’avais cloisonné les choses, car ce sont deux exercices différents. Je pense que mes années en Figaro m’ont permis de remporter le Fastnet, mais l’inverse n’est pas vrai. Cela dit, j’étais tout de même dans un bon mood. »
Après 18 participations, tu avais encore envie d’y aller ?
« J’ai réussi à effacer les moments de doute. J’avais envie d’y retourner, car je savais que je n’étais pas loin, et j’ai été soutenu par des gens comme Fred Duthil ou Corentin Horeau, qui me disaient : “ça va le faire”. Au sein du Pôle, j’ai aussi reçu beaucoup de soutien. Quand ça ne marchait pas, je leur demandais ce que je ne faisais pas bien, et ils me répondaient qu’ils ne savaient pas car tout avait été fait correctement. J’avais une petite voix au fond de moi qui me disait d’insister et j’ai su l’écouter. »
Tu donnes un bel exemple de persévérance, …
« Je crois que cette victoire peut avoir de l’influence sur d’autres skippers. La Solitaire est une école de la patience. Après ma victoire, j’ai reçu un message de Yann Eliès qui me disait que c’était un bon signal pour la nouvelle génération. Il ne faut pas brûler les étapes. La première Solitaire est très dure, et après, ça s’arrange un peu — même si ça reste dur. À la fin, on développe beaucoup d’automatismes et ça permet de se poser moins de questions. Je suis aussi moins sensible aux changements de dernière minute pour un départ ou un parcours qui évolue. Ça me glisse dessus, je m’adapte : c’est l’avantage de l’expérience. »
Quelle image gardes-tu de cette édition ?
« J’ai plein de moments en tête sur cette édition, mais je retiens la dernière nuit. J’étais en tête, dans des conditions hyper agréables, et j’ai réussi à profiter du moment présent. Avant les arrivées, on peut toujours faire des bêtises — et ça m’a desservi plein de fois —, mais cette fois-ci, j’y croyais. C’est vraiment après le dernier empannage, à quelques centaines de mètres de l’arrivée, que tu te dis que c’est bon, qu’il ne peut plus rien arriver. »
Qu’est-ce qui te pousse à revenir ?
« J’adore ça, tout simplement. Et ce n’est pas après avoir vécu des émotions comme celle-ci que je vais m’arrêter ! J’ai fait 19 Solitaires d’affilée. Parfois, j’ai eu des moments difficiles à me questionner tout l’hiver pour comprendre ce qui ne marchait pas mais c’est un super circuit. On régate avec des bateaux identiques, on fait de belles manœuvres… J’ai toujours adoré cette confrontation, c’est ce que j’aime. »
Tu as tout de même envie d’autre chose ?
« Aujourd’hui, j’ai très envie d’un projet en Class40. Il y a la Route du Rhum l’année prochaine, et c’est une course qui m’a toujours fait rêver. Je pense que je vais tout de même revenir un jour sur la Solitaire, ne serait-ce que pour arriver à 20 participations — un chiffre rond ! »
Est-ce que quelqu’un connait mieux la Manche que toi ?
« Surement, il y a plein de bons marins par ici (rires) ! Mais c’est vrai que je connais bien la Manche et j’adore gérer les timings de courant, les effets de site… J’ai commencé avec mon père et j’ai l’impression d’avoir fait ça toute ma vie. Ça me permet de gagner du temps sur mes choix de route et de me concentrer sur la vitesse. Lors de la première étape, on faisait des zigzags dans la Manche, et j’étais dans mon élément. J’ai lu quelque part que j’étais le “GOAT de la Manche” et c’est une référence qui m’a fait plaisir. »
Au sein du Pôle Finistère Course au Large, tu es une référence…
« Je reviens sur la Solitaire aussi pour les stages mis en place à Port-la-Forêt. Je suis super assidu parce que j’adore y aller. Il y a toujours plein de trucs à apprendre : on enchaîne les départs, alors que sur une Solitaire, on n’en fait que trois. Il faut se servir des stages pour être meilleur sur l’eau. Quand, dans le zodiac, on a Jeanne Grégoire, Yann Eliès et Erwan Tabarly, ça a de la gueule ! C’est face à eux que je naviguais avant. Il y a toujours la même ambiance, la même énergie : j’adore ça ! »